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Message par Maia 5/3/2011, 22:50


- C’est encore loin ? J’ai soif, j’ai faim et je ne sens plus mes pieds. Cela fait des heures que nous marchons, et j’ai l’impression que nous sommes perdus. On tourne en rond !
- Cesse de te plaindre jeune fille, et observe.
- Je ne fais que ça de regarder, et je vois toujours la même chose.
- Alors c’est que tu observe mal.

Meian, dont la démarche mal assurée et le dos vouté témoignaient de son épuisement, peinait à suivre son maître. Ce dernier, bien qu’avançant sur un territoire de plus en plus escarpé, semblait n’avoir aucun mal à se déplacer. Depuis le début du voyage, rares étaient les fois où il avait prononcé un mot. Maître Shin était de ceux qui parlaient peu, mais bien. Toute parole qui franchissait ses lèvres était utile et bénéfique. Meian, à cette idée, sentit ses joues rosir légèrement et eut soudain honte. Maître Shin l’avait tiré d’affaire de nombreuses fois et lui offrait l’opportunité de suivre une voie sacrée, celles des Marcheurs d’Ombrume. Elle n’avait, jusqu’à il y a quelques mois, jamais entendu parler de cette guilde secrète. Aujourd’hui, elle savait qu’Ombrume fonctionnait majoritairement sur un système de binôme maître et élève, pendant trois ans. Alors, tout élève était jugé capable de déployer ses propres ailes et était de nouveau libre. Elle ignorait encore quelles étaient les disciplines enseignées, le véritable but de cette guilde. Son maître lui répétait souvent « Je te guide sur une voie que toi seule peut construire». Même si Meian supportait parfois difficilement le caractère si serein et mystérieux de son maître, elle lui devait beaucoup.
Comme pour se redonner du courage, elle se redressa, inspira une grande bouffée d’air et dépassa son maître. Ses pieds, chaussés de fines ballerines noires, glissaient fréquemment sur le gravier, tandis que ses bras, légèrement écartés de chaque côté, la rééquilibraient maladroitement. Derrière elle, Shin secoua la tête et se rapprocha légèrement, prêt à la rattraper en cas de chute. Le chemin qu’ils empruntaient grimpaient peu à peu vers les montagnes du Nord et son ascension devenait risquée, pourtant, ils étaient encore loin de l’escalade des Hauts Plateaux de Shendu, leur destination. Meian, qui l’ignorait encore, se hâtait à l’avant, le visage crispé par l’épuisement et la concentration, jusqu’à ne plus regarder où elle était. Le paysage, si l’on savait observer, resplendissait. De chaque côté de la route s’élevait des parois rocheuses hautes de presque cinq mètres, d’une teinte presque blanche. Des arbres, perchés en leurs sommets, laissaient pendre leurs branches gracieuses dans le vide, où s’épanouissaient de minuscules fleurs bleues. Des oiseaux au plumage orangé voletaient non loin d’eux, certains s’arrêtaient même pour les observer quelques instants puis reprenaient leur envol en piaillant. Le soleil, qui n’allait pas tarder à se coucher, leur faisait face et éclairait leur voie. Shin, observait patiemment son élève, tentait de voir sur son visage une marque d’intérêt pour ce qui l’entourait, mais rien n’y faisait. Il soupira. Un mince sourire effleura ses lèvres couturées. Peut-être en avait-il trop fait…Alors qu’il comptait la rattraper, une créature descendit l’une des parois d’un bond et atterrit devant elle. Semblable à un gros lion mais dépourvu de crinière, au pelage brun-roux et aux iris dorés, elle observait intensément Meian, qui s’était figée, sortie de sa transe. A l’arrière, Shin évita tout mouvement brusque et s’avança lentement vers son élève. C’est alors que plusieurs autres créatures de la même espèce glissèrent de nouveau le long de la paroi, bien plus petites et plus touffues. Des bébés ! Une fois les petits passés, la femelle les poussa légèrement devant elle et continua sa marche, jusqu’à disparaître en haut du sentier.

- Ce sont des Tirn, ils sont inof…

Avant même qu’il ne finisse sa phrase, Meian s’était élancée à leur suite. Elle courut sur plusieurs mètres avec une légèreté nouvelle puis ralentit lentement l’allure. Devant elle s’étendaient à perte de vue de gigantesques montagnes aux pics acérés défiant le ciel. Des étendues d’arbres les traversaient à plusieurs endroits, et elle put distinguer d’ici une vaste étendue d’eau miroitant à la lumière du soleil couchant, qui inondait le ciel de clartés ardentes, comme si de véritables flammes le dévoraient. Shin la rejoignit bientôt et resta légèrement en retrait, silencieux.

Regarder est une chose. Voir en est une autre. Si tu parviens à voir la Vie qui palpite sur ce territoire, alors tu es une fleur qui est en train d’éclore.

~


Dernière édition par Maia le 29/11/2011, 23:12, édité 2 fois
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D'Ombres et de Brumes [Ryuji + Meian] Empty Re: D'Ombres et de Brumes [Ryuji + Meian]

Message par Maia 5/3/2011, 22:57

~

La nuit était tombée, et le ciel d’été était empli d’étoiles scintillant telles des diamants. Meian et Shin s’étaient arrêtés dans un petit village au pied de la vallée. L’air doux du soir soufflait à travers les branches d’arbres dans un bruissement léger, et le crissement d’insectes résonnait dans l’obscurité. Assis sur la terrasse d’une petite auberge, Meian sirotait sa boisson en silence, le regard perdu dans la nuit. Devant elle, Shin, tout aussi muet, posait un regard intense sur tout ce qui se trouvait à sa portée, tout en gardant son air serein et mystérieux, des autres villageois sur la terrasse aux montagnes lointaines, dont la silhouette se découpait sous l’éclat nébuleux de la lune. Meian se glissa contre le dossier de sa chaise et posa sa tête contre ses paumes. La fatigue, bien que toujours présente sur son visage lisse, avait laissé place à un sentiment tout nouveau, mêlé d’admiration et…de crainte.

- Nous devrions nous reposer, intervint Shin d’une voix douce. L’entrainement de demain sera léger mais nous avons encore une longue route à parcourir.

Il se leva et, à peine avait-il posé la main sur la poignée que Meian murmura ;

- Savez-vous pourquoi j’aime la nuit ? Parce qu’elle m’effraie, elle m’échappe. Je ne peux pas la voir. Je regarde le ciel, la lune, les montagnes et les arbres, mais je ne les comprends pas. La nuit est un mystère. J’aime le mystère.

Shin, qui s’était arrêté, s’approcha sans faire le moindre bruit de son élève et posa une main rassurante sur son épaule.

- Que dirais-tu d’apprendre à Voir la Nuit ?
- Oui. Ça me plairait.

Sa voix était baignée d’une certaine mélancolie, qui vint embrasser les larmes qui roulèrent sur ses joues. Avant même qu’elle ne comprenne, Shin était déjà parti. Elle était seule face à ses souvenirs, seule face à la nuit qui l’enveloppa tout entière.

Le lendemain matin, alors que l’aube pointait à peine le bout de son nez, Shin vint la réveiller et lui murmura de le rejoindre dehors dans une dizaine de minutes. Sans attendre un instant de plus et excitée à l’idée de s’entrainer, elle enfila son pantalon pourpre serré au niveau des chevilles et sa tunique qu’elle enserra autour de sa taille à l’aide d’une épaisse ceinture noire. Après un brin de toilettes, elle sortit de l’auberge. Shin l’attendait, sac à l’épaule, vêtu de la même façon d’un kimono gris aux larges manches. Ils s’élancèrent alors tous deux à travers les montagnes.
Le ciel, encore sombre, se parait lentement d’éclats bleutés, tandis que les étoiles se distinguaient encore. Shin, qui marchait en tête, changea soudain de direction, s’enfonçant sur un sentier étroit perdu entre deux falaises, se rejoignant presque en leur sommet. Meian le suivit en prenant soin d’observer les alentours, curieuse de savoir où ils se rendaient. Comme si son maître entendit ses pensées, il répondit :

- Nous nous rendons dans un des repères des Marcheurs d’Ombrume. C’est une étape importante dans ton enseignement que de rencontrer tes pairs. De plus, nous aurons là-bas le loisir de nous entrainer quelque temps avant de reprendre la route.
- Alors…ce n’est pas notre destination ?
- Seulement une étape.

Meian, bras écartés, pouvait toucher la roche. Le gravier craquait sous ses pieds. L’obscurité quasi-totale la déstabilisait quelque peu.
« Que dirais-tu d'apprendre à Voir la Nuit ? »

A peine eut-elle de temps de se répéter cette phrase qu’ils débouchèrent enfin sur une vaste esplanade au cœur des montagnes. Se dressaient devant eux plusieurs abris, la plupart sous forme de cavernes creusées dans les montagnes, d’autres construites en bois, des tentes. Le terrain était désert et immobile, le silence maître.

- Où sommes-nous exactement ? murmura Meian, comme craintive à l’idée de briser le repos de l’obscurité, tout en s’aventurant sur le nouveau territoire.
- Voici l’un des repères typiques des Marcheurs. Nous en possédons une trentaine éparpillés un peu partout dans le monde. Nous nous y rejoignons lors de réunions ou simplement pour trouver du matériel. Je suppose que la plupart des Marcheurs présents ici dorment, alors que dirais-tu d’un entrainement tout particulier ?

Shin qui, comme à son habitude n’attendit pas la réponse de son élève, s’élança. Il traversa la vallée et lui montra un sentier à peine visible creusé dans les montagnes, sous la forme d’un escalier grossier et bientôt en ruines.

- Je…je dois monter ?
- Oui.
- Je...je ne sais pas grimper.
- Tu vas apprendre. Je serai là, tu ne tomberas pas.

Meian avala sa salive et s’exécuta. Les premiers mètres furent relativement simples à franchir, ses mains et ses pieds trouvant automatiquement des prises à proximité. Mais une fois franchis, ses membres se mirent à trembler violemment et ses mains devinrent moites. Elle ferma les yeux et inspira longuement. Lorsqu’elle les rouvrit, ceux de son maître, soudain à ses côtés, plongèrent dans les siens. Elle put y puiser toute la volonté et l’énergie dont elle avait besoin, tous les encouragements qu’elle méritait et surtout, de la reconnaissance. Elle ne voyait aucun regret, aucune déception. Elle cligna des yeux plusieurs fois pour revenir à la réalité et sentit son corps s’apaiser. L’ascension prit alors une toute autre allure : d’un exercice qu’elle ne comprenait pas, il venait de s’ouvrir à elle comme une fleur à la lumière.
Elle arriva sur une surface plane sur laquelle elle se hissa à la force de ses bras. Shin, la rejoignit vite et observa l’esplanade de là où ils se trouvaient. A presque une dizaine de mètres d’altitude, ils avaient une vue panoramique de toute l’esplanade et les cols des Hauts Plateaux de Shendu se détachaient dans la clarté naissante du matin.



- Je t’ai amené ici pour que tu ressentes ce qui t’entoure. Cette terre que nous foulons de nos pieds, tu dois la voir, tu dois la comprendre, tu dois la connaître. Cet air que tu respire, tu te dois de la ressentir. Et ces quelques mouvements que je vais t’enseigner maintenant te guideront.

Il se tut et se plaça face à son élève et au soleil qui, doucement, se levait derrière elle. Puis son corps se mit à remuer, d’un léger mouvement de poignet à un large cercle du bras. Ses jambes, écartées, pliées, et solidement ancrées dans le sol, restaient immobiles. Seuls les bras, le bassin, les épaules se mouvaient à une lenteur subtile. Chaque geste était empreint d’une précision rare et visait un but précis. Etait-ce simplement l’étirement du corps ? Etait-ce plus que cela ? Meian ne pouvait encore le dire. Mais, alors qu’elle calquait les mouvements lents de son maîtres, une sensation étrange la parcourut.
Liberté.


Dernière édition par Maia le 29/11/2011, 23:13, édité 1 fois
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Message par Ryūji 1/5/2011, 20:39

Précision structurelle:




Une ombre dérobait les étoiles. Fugace, légère, elle les décrochait de la fine dentelle du ciel, de brèves secondes, durant un laps de temps tant éphémère que malicieux où elle se jouait de leur éclat. L’ombre se jouait de tout, car toujours tapie à la lisière de toute lumière, elle n’avait jamais appris à exister autrement. Ce qui ne la rendait pas pour autant malheureuse. Cette nuit, par exemple, était une nuit de liesse, où bondissant sur le lourd revêtement en tôle des chaumines du village d’Amino, l’ombre s’était éprise d’un puissant sentiment de joie, de victoire, de liberté.
Les pas de sa course effrénée résonnaient avec une étonnante discrétion dans les rues boueuses, en contrebas. De bonds habiles elle s’intercalait entre ciel et terre, orchestrait le vol de la lumière diffuse de ces petits éclats stellaires, escamotait comme un morceau du ciel nocturne lorsqu’alertés par les bruits éthérés de sa cavalcade, les noctambules et débauchés levaient leurs yeux vers les hauteurs. Invisible à leurs regards, la fraîche gifle du vent sur son visage, l’ombre, galvanisée, avait à ses lèvres un sourire féroce.

Parvenue au sommet d’une grange, elle vit danser sur le sol de larges flaques de lumière, s’ébrouant et s’agitant au rythme empressé des patrouilles qui sillonnaient les rues, bien trop vives et nerveuses pour une ronde routinière. L’ombre s’étendit sur le toit, s’immergeant dans les replis de ténèbres que trahissait l’éclairage lunaire pour couvrir les hommes en armes de son regard mordoré. Le nombre de gardes croissait chaque minute, et la topographie particulière du village d’Amino, bâti à flanc de montagnes, aux ruelles dénivelées, rendait les toits de plus en plus périlleux à mesure qu’elle approchait la porte nord. Elle avait déjà perdu assez de temps, et la nuit était trop claire. Pour ne pas être repérée, elle procéda à une petite modification de son itinéraire.
Quand l’artère principale fut dégagée, l’ombre se suspendit à la gouttière puis se laissa souplement tomber. Depuis une discrète ruelle, elle épia une nouvelle fois les voies qui s’offraient à elle, puis se précipita, ses sandales soulevant les gerbes d’une boue sombre et poisseuse qui dessinèrent d’obscures arabesques sur l’étoffe bleutée couvrant ses chevilles. Serpentant dans les allées, l’ombre fut contrainte de modérer son rythme, les froissements des vêtements des gardes, le cliquetis de leurs armes, les flammes de leurs torches se rapprochaient, se multipliaient, tandis que le nombre de caisses bordant les étals clos, de hauts-murs baignés d’obscurité et d’autres obstacles derrière lesquels s’abriter des regards s’amoindrissait toujours plus.

Désormais non loin de la porte nord, les patrouilles sillonnant les larges avenues, s’aventurant dans les ruelles éparses, s’étaient tant et si bien éparpillés qu’il ne sembla plus possible à l’ombre de les éviter. Adossée contre la porte d’une demeure silencieuse, avalée par son encadrement, elle retenait sa respiration, attendait que les bruits s’estompent… mais ils ne faisaient que devenir plus pressants à chaque seconde. Bientôt elle entendit des bottes s’enfoncer dans le sol spongieux, et une flèche de lumière transpercer les ténèbres de sa retraite. Une torche projetait son faisceau dans la ruelle où elle avait pris refuge, et l’homme derrière celle-ci progressait lentement, prudemment vers elle. L’ombre remercia dédaigneusement le ciel de l’avoir faite si frêle, suffisamment malingre pour que le palier suffise à la dérober aux regards… pour l’instant. Respirant sans bruit, ses muscles se tendirent. Les jambes légèrement fléchies, doucement courbée, l’ombre affûtait ses griffes en attendant le moment opportun.

Celui où la lumière éclaboussa son visage juvénile, se refléta dans l’or de son regard. Celui où l’adolescent que l’on arrachait aux ombres se jeta vers le garde, sans un bruit, sans un mot. Ses vêtements soyeux chuintèrent toutefois doucement lorsque l’enfant décolla du sol, brisa la distance qui le séparait de l’homme d’armes et de sa surprise pour lui porter un coup de pied, sec et violent. Avec une précision presque cruelle, l’attaque percuta la tempe du soldat, accompagnant son visage jusqu’au mur de la maisonnée attenante, sur lequel il s’éclata brutalement, dans un glapissement rauque et effaré. Avec comme un mouvement de rebond après la collision, l’homme bascula et revint vers son jeune agresseur, le regard vide. Ce n’était pas suffisant… pas avec le peu de force dont disposait l’adolescent, mais pour parer à cet inconvénient, l’enfant caparaçonnait ses poings de lourds gantelets d’acier, derrière lesquels il conservait jalousement les secrets d’un art auquel on l’initiait depuis ses toutes premières années.
Le poing droit serré, il guetta l’affaissement de son adversaire et frappa une dernière fois. Les phalanges de métal s’écrasèrent avec méthode, juste derrière l’oreille de l’homme qui tomba inerte contre le sol boueux, l’écœurant bruit de la chair pilée par l’acier résonnant mollement dans la ruelle. Sans même reprendre son souffle, le jeune assaillant s’élança de nouveau, cette fois-ci vers la rue d’où venait le gêneur. Les soldats ne patrouillaient jamais à moins de deux…

A son oreille, la musique de son cœur jouait une fanfare assourdissante, et chacun de ces accords lui remémorait les longues heures de formation qui bercèrent son enfance, où la voix rude de son mentor lui dictait la méthode la plus prompte pour défaire son ennemi. L’adolescent jaillit de la ruelle, la dextre contractée, rigide comme une lame de chair et d’os qu’il projeta contre la gorge du second garde, silhouette anonyme dans l’obscurité. « Frappe de toute ta force, pas de tout ton poids. Trop de vigueur et tu écrases la trachée de ton adversaire, et il en meurt. Pareillement si tu le heurtes de l’acier de tes gantelets. Ce doit être tes doigts contre les muscles de son cou, le choc doit être sec, bref, pour étrangler les mots qu’il s’apprêtait à pousser hors de sa gorge. »

Le coup bâillonna sa cible, partiellement, car la main de l’enfant rencontra un mur de muscles et tendons tel qu’il aurait pu s’agir du cou d’un taureau. La silhouette se raidit soudainement, émettant un gargouillis inarticulé tout en reculant pour s’éloigner et identifier son assaillant, qui ne souhaitait guère lui laisser cette chance. De son gantelet gauche, l’adolescent porta deux attaques, une au poumon, l’autre au flanc. Des coups brutalement déviés par la garde subite et habile de son adversaire, ayant senti l’assaut malgré l’épais rideau de pénombre qui tombait sur les combattants
Interloqué par cette soudaine résistance et n’ayant pas la force de percer la défense du garde, le jeune garçon prit ses distances, s’éloigna d’un bond dans l’optique de revenir à la charge avec ce même fouetté du pied qui avait terrassé son premier adversaire.

- Arr… Sembla crachoter la silhouette dans l’ombre, dans un filet de paroles confuses, étranglées, dont l’enfant ne se soucia guère, fondant vers lui armé d’une froide détermination.
Captif de son élan, il ne vit même pas le coup de paume magistral qui le cueillit à la mâchoire, pas avant d’en ressentir la féroce brûlure contre son visage et d’être emporté, soufflé comme une simple feuille par la brise, catapulté dans la ruelle où il roula piteusement sur la terre humide. L’esprit soudainement vidé, l’enfant contempla incrédule le visage du garde terrassé, étendu auprès de lui et éclairé par la torche mourante qu’il avait laissée tomber. Un spasme agita la frêle carcasse de l’adolescent, alors que les jambes en coton, il tâchait furieusement de se remettre debout, les dents serrées, la mâchoire douloureuse, tout entier tremblotant. Il avait suffi d’un coup pour que ses forces l’abandonnent, et essayant de conserver un rien de raison alors que les lumières dansaient devant son regard, sa main trouva l’arme attachée à sa ceinture par un cordon de soie noire. Il avait presque oublié, jusqu’ici, le sombre sabre qui pendait à son côté, fruit du larcin responsable de sa soudaine notoriété auprès de la garde. Durant un laps de temps aussi prompt que tombe la foudre, le jeune garçon hésita à dégainer, à mettre la lame au clair pour s’assurer la victoire sur un adversaire bien plus fort que lui-même. Et renonça. Jusqu’ici, l’entraînement qu’il avait reçu au sabre était sommaire, et la voix de Yashiro, son maître, résonnait sévèrement à ses oreilles bourdonnantes.

« Sans pratique, le sabre ne vaut guère plus que le couteau du boucher. Digne de la charcuterie et du massacre, mais non du Samouraï. »

Alors, dans un éclair de lucidité, le guerrier juvénile se saisit de la torche déclinante et la projeta vers la silhouette de son ennemi qui le rejoignait dans l’obscure venelle. Le disque de feu révéla brièvement son visage durement tanné par le soleil, la noire cascade de sa chevelure ramenée en queue-de-cheval contre sa nuque lorsqu’il esquiva souplement le projectile enflammé. Le jeune guerrier profita de cette distraction pour forcer ses jambes chancelantes, pour esquisser un coup de pied ascendant qui foudroierait le menton de son adversaire, et encore une fois fut pris de vitesse, la poitrine percutée d’une frappe comme un coup de lance, le torse transpercé du talon de son ennemi.

- Calme ! Entendit dire d’une voix étranglée le jeune garçon qui heurtait le mur avec fracas.

Tout son corps n’était plus qu’un vaste océan de souffrance, où l’air tâchait péniblement de refluer dans ses poumons noyés de douleur. Chaque respiration était comme une lampée de feu liquide qu’on lui déverserait dans l’œsophage, avivant le brasier furieux qui lui déchirait muscles et organes. Les yeux d’or du garçon s’étaient ternis alors que glissant lentement contre le mur, le visage livide sous la douce lumière de la lune, il tâchait sans succès de remonter sa garde. Mais ses bras paralysés lui pendaient, inutiles, le long du corps.
Comme pour prévenir un nouvel assaut, la silhouette posa précautionneusement son pied sur l’estomac du garçon, appuyant juste assez pour s’assurer qu’il reste bien au sol.

« Imbécile… Souffla-t-il, comme enroué, n’ayant pas encore récupéré de l’estoc qui lui avait ôté la parole. Se massant la gorge de ses larges mains calleuses, il poursuivit, sous le regard hagard et presqu’aveugle du garçon. Trop endolori pour seulement comprendre la vision qui s’offrait à lui.
…Yukiko, c’est moi. »

De discrets rayons de lune baignaient le visage du vainqueur de ce duel, trop inégal, et sous cette pâle lumière, l’enfant eut enfin un réel aperçu de l’homme qu’il affrontait. Une personne à la carrure solide, plus charpentée que dans son souvenir et à la peau incongrument basanée. Le garçon, Yukiko, entendant son prénom sonner à ses oreilles, cligna doucement des yeux.

- Yashiro… ? Murmura-t-il, abruti par la douleur.
La large pogne de son maître s’enroula autour de son bras et le remit debout. Encore incrédule, l’adolescent l’interrogea, la voix cassée, tout doucement.

« Qu’est-ce que tu fichais… ? Tu disparais pendant des semaines pour revenir tout hâlé et baraqué… Du culturisme sur les plages de l’île de Braise…? »

- Ne commence pas, petit crétin. Soupira son mentor en l’entraînant vers l’artère principale, le pas hâtif, enjambant presque sans y prendre garde deux soldats inanimés qui pavaient la rue. La main de son mentor si serrée sur son bras qu’elle lui en coupait la circulation, Yukiko, ahuri, se laissa tracter par son maître, qui aux aguets, semblait reproduire en sens inverse le chemin qu’il venait de parcourir.

- On revient sur nos pas… la porte nord n’est pas... Objecta-t-il faiblement, grimaçant sous la souffrance que lui apportait chaque foulée.

- Ils t’y attendent. T’y conduisaient, même. Nous ne passerons jamais par-là, pas plus que par une autre porte. Jetant un bref coup d’œil à l’adolescent qu’il traînait à sa suite, une grimace à son visage buriné, Yashiro ajouta d’un ton péremptoire. Tu as certainement une foule de choses à me demander, et l’inverse est tout autant vrai… mais maintenant n’est pas le moment. Je sais ce que je fais, alors, tais-toi et suis-moi.

- …où allons-nous ? Sollicita tout de même l’enfant.

- Chercher de l’aide. Voir des amis.


Dernière édition par Ryūji le 1/5/2011, 21:20, édité 1 fois
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Message par Ryūji 1/5/2011, 20:59




Jusqu’aux genoux, Yukiko pataugeait dans la fange. Le dégoût le saisissant à la gorge, ses sandales s’enfonçaient dans un sombre mélange de boue et de limon, voracement happées par cette masse de terre noirâtre qu’il éventrait de chaque laborieuse enjambée. Les muscles endoloris par ses précédentes escarmouches, l’enfant éreinté pouvait entendre tout son corps lui crier grâce. La sueur ruisselait en abondance contre son front et ses tempes, et ses cuisses harassées lui brûlaient tandis qu’il se frayait un passage dans la vase odorante et putréfiée.
Les ténèbres enveloppaient la voie souterraine de leur épaisse dentelle, ponctuellement trouée de la flamme lointaine d’une torche, d’un accroc de lumière qui déchirait irrégulièrement son étoffe nocturne, aussitôt reprisée comme le chemin bifurquait. Orange et éphémère, ce feu-follet épousait deux silhouettes obscures, dont le pas était vif, les muscles frais, et qui vraisemblablement n’avaient aucun remord à abandonner leur cadet pour aller de l’avant. Les adultes avaient des choses à préparer, ce pauvre Yukiko, exténué, n’avait qu’à buller dans la gadoue en attendant.

Dans leur fuite éperdue, Yashiro l’avait mené au sud-ouest du village, là où les ruelles embrassaient la chair rocailleuse des montagnes. Ils avaient été accueillis dans une petite herboristerie, bloc de maçonnerie à demi avalé par la terre humide, pourvu du tunnel clandestin qui deviendrait leur échappatoire. Vasouillant gaiement, le maître s’était rapidement éclipsé avec son hôte, un homme d’âge mûr, à la peau sombre et à l’accent exotique, chantant. De l’avis de Yukiko, le gaillard ressemblait trait pour trait à ces pirates qui, disait-on, écumaient la côte Est du pays des flammes. A tout le moins, le dénommé Lukka appartenait à un modeste réseau de contrebande, et les plantes et décoctions qu’il passait en fraude hors des murs d’Amino moisissaient ici depuis trop longtemps. Les larges caisses entassées contre les parois, dont les déchets s’étaient mélangés à la profonde mare de boue, exhalaient une odeur aigre de pourriture. Une fragrance entêtante, où subsistait un effluve doux-amer, capiteux et suave jusqu’à l’écœurement. Un parfum qui évoquait un baquet de pommes avariées au jeune Yukiko, d’abord doux, presque trop sucré, pour vous frapper de son amertume, de ce goût si particulier de putréfaction, qui persistait contre votre palais bien après que vous vous soyez rincée la langue.
Immergé dans cet enchevêtrement de boue et de moisissure végétale, l’enfant qui sentait ce relent lui coller à la peau, se répandre dans sa bouche et son nez, avait le cœur au bord des lèvres.

Dans sa marécageuse errance, ses yeux s’étaient fatigués tant ils guettaient ardemment la discrète apparition du globe de lumière, véritable petit soleil qui avivait les braises d’un tiède espoir, celui que cette déplorable équipée trouverait bientôt son terme. Il n’avait pu compter les heures. Depuis son entrée dans le souterrain, elles avaient filé comme le sable vous glisse entre les doigts. A l’extérieur, le jour commençait-il déjà à poindre ? Ce passage le mènerait-il suffisamment loin des patrouilles de la Garde ? Yukiko marchait sans vigueur, sans seulement penser. Accablé par la fatigue, il se serait gracieusement laissé ensevelir, aurait volontiers reposé dans cette mélasse nauséabonde… s’il n’avait eu la certitude de mourir étouffé par la vase en décomposition qui y stagnait. Terminer sa vie en participant au phénomène de fermentation naturelle était probablement aux antipodes de l’idée que se faisaient les Samouraïs d’une fin honorable, et leur idéologie lui avait été gravée dans le crâne depuis son plus jeune âge.
Respirant une grande goulée d’air fétide, Yukiko donna un peu plus d’élan à cette frêle carcasse qu’il trimballait dans la fange, et s’étonna tant son impulsion fut récompensée. Le fond du bassin devint une pente légère, ascendante, et le niveau du mélange de boue et d’herbes décomposées se réduisit jusqu’à effleurer les chevilles de l’adolescent, facilitant d’autant sa progression.

Le passage s’étrécissait, devint un long corridor nimbé de froide obscurité, où parfois filtrait de la voûte caverneuse un filet d’eau fraîche, douchant délicieusement la nuque du garçon de cette impression de crasse et de moiteur qui lui collait à la peau. La paroi dont il s’aidait à avancer lui paraissait rêche et poisseuse, végétale. La roche était comme grignotée d’un ensemble de racines et de lianes feuillues, dotées de vicieuses épines qui égratignaient la chair de ses mains. Glissant sur l’enchevêtrement mural, les doigts griffés et sanguinolents de Yukiko happèrent par mégarde un bouton de fleur. Doucement surpris, l’enfant manipula lentement le bourgeon, apprécia sa texture soyeuse en le roulant entre le pouce et l’index.

Ces derniers jours n’avaient été que feux et souffrances, il avait goûté aux brûlures des lames d’acier et des coups, avait sans cesse fui les flammes et trouvé refuge dans les ombres. Tout entier, Yukiko se sentait miné. Il n’avait eu le moindre répit, même à présent, alors que supposément hors de danger, il devait franchir cette fosse emplie de boue et de végétation décrépite. Perdu dans ces ténèbres, assailli d’un air lourd de putréfaction, le garçon s’était senti doucement, insidieusement glisser dans l’obscurité. Il perdait pied, se sentait noyé. Son esprit, juvénile, fragile, avait besoin qu’on le conforte dans ses actions, qu’on le rassure quant à l’interprétation qu’il avait faite du credo des Samouraïs. Depuis leurs retrouvailles, Yashiro lui avait tout juste porté ce regard, neutre, indéchiffrable… « Ils parleraient plus tard… » mais par la Flamme, c’était maintenant qu’il avait besoin de son aide !

Blessé dans le corps et dans l’âme, la tendresse, la délicate sensation de douceur que le bourgeon déposait sur ses doigts fit fleurir un frêle sourire sur le visage de Yukiko.

- Même ici, dans toute cette fange et cette laideur, tâche de pousser une discrète brassée de fleurs. Comme le témoignaient les minces boutons ornant la paroi, qu’il recensait de ses doigts.

L’expression du visage de l’enfant se fit plus douce encore.

« Parfois, tu raisonnes comme un vieil homme… Lui répétait souvent Yashiro, et il devait admettre que son père adoptif n’avait pas tout à fait tort, même s’il poursuivait d’ordinaire ainsi : …et la fois d’après, tu te comporte comme un fou-furieux. » Ce qui, là encore, n’était peut-être pas complètement erroné. Le sabre d’acier noir qui pendait à sa ceinture pouvait en attester.

Soudainement, l’obscurité recula sous les yeux du jeune garçon. Affranchi des ténèbres, l’enchevêtrement végétal prit formes puis couleurs, devint une tapisserie de lierre épais, tissé d’un camaïeu de vert et d’ocre pâles où se brodaient des boutons de fleurs épars, d’un mauve améthyste, dont les pétales scintillant d’humidité captaient et reflétaient le halo d’une torche, doucement orangé.

- La cavalerie est arrivée, presse-toi gamin ! Souffla une voix aux accents suaves, exotiques.

Le corsaire était revenu le chercher.

* * *


Elle était croquée du fusain lunaire, sur la toile de la nuit. Un argent sélénite rainurait ses flancs d’écailles granuleuses, dessinait comme les nervures d’une feuille sur son dos cambré, vaste et musculeux. Six pattes râblées soutenaient son ventre gris et dépouillé de squames, dont elle - massive créature - effleurait le sol à chaque mouvement. Sa queue, éperonnée de dards semblables aux pointes de lances, gisait à terre, enroulée en spirale. Elle était un monstre au souffle puissant, rauque et lourd. L’air que renouvelaient ses robustes poumons quittait ses naseaux dans un soupir digne du tonnerre, dont l’écho palpitait contre vos tempes, résonnait comme un tambour jusque dans vos os. Sa gueule reptilienne, à l’ovale allongé, recelait quatre rangées de crocs tels des dagues taillées de corne, derrière lesquelles s’épanouissait une langue extensible et écarlate.
La bête respirait la puissance, incarnait une sauvagerie que l’on croyait à tort indomptée, scellée puis oubliée dans les plus profondes montagnes. Mais plus que ces muscles saillants sous son armure d’écailles noires, que la promesse assassine de ses crochets dentelés, ce fut son regard qui capta l’attention du jeune Yukiko.

Chaque iris était un croissant de lune d’argent, niché où son crâne s’excavait en arcades pour abriter ses yeux, scintillants dans l’obscurité comme animés de leur propre lumière. Un miroitement dans la pénombre qui le fit frémir, car dans l’étincelle de ce regard, purement bestial, il sentait la violence, folle et plénière, capturée d’années de dressage et canalisée de coups de fouet cinglants, mais à l’essence bien trop entière et bouillonnante pour rester longtemps assujettie.
Cette flamme argentine réveillât en lui une peur primale, et un sentiment de fascination qui parut remonter du plus profond de son être, apportant un pâle sourire à ses lèvres sèches alors qu’il demeurait à dévorer la bête du regard, frémissant et tétanisé.

Le Rampant, sublime, était ce que l’on appelait un Reptèle, fléau des abysses, solidement harnaché d’une selle de cuir et d’entraves qui restreignaient ses mouvements, enserraient sa mâchoire de saurien.
- C’est quelque chose que je pensais ne jamais revoir… Soufflait doucement Yashiro.

Face à son mentor se tenait un individu enveloppé d’une houppelande gris perle, ample, dont l’étoffe coulait sur lui dans des plis et replis qui rappelaient le reflet de l’aube sur la surface ridée d’un lac. Sa capuche baissée révélait les traits d’un homme âgé, vigoureux, dont les yeux d’un bleu aigu transperçaient la chair tendre de la nuit. Une courte barbe blanche, carrée, lui mangeait les joues et contournait ses lèvres. L’expression stricte, mais sereine, le personnage répondit d’une voix ourlée comme d’une faible tendresse, de paternalisme.

- Tu n’étais guère plus qu’un enfant la dernière fois que tu as aperçu « Mune », et tu t’emplissais l’œil de sa splendeur avec autant de passion que le fait ton fils aujourd’hui.
Les mains parcheminées du vieil homme transmirent cérémonieusement les rênes de la créature à Yashiro, qui referma sans conviction le poing sur les massifs liens de cuir.

- Maître Usui… je ne peux pas…

- Les magistrats ont lancé les recherches il y a trois jours. Ils patrouillent, juchés sur leurs propres Reptèles ; vifs comme se répand le venin de la vipère jaune, ils transmettent leurs avis de recherche dans tout le pays.

Le visage sans expression, le rônin contemplait son vieux professeur. Il sentait sur son cœur l’étreinte glacée de l’inquiétude, mais quand bien même chaque battement éperonnait sa réserve, la rigoureuse maîtrise de son émotivité, l’homme tâchait de n’en rien laisser paraître. Il gardait le menton fier, l’œil résolu, car son jeune élève rivait soudainement sur lui l’or d’un regard subreptice.

« Pour échapper à leur vigilance, il vous faudra au moins Mune. » Termina doucement le vieil homme, et sa voix chaleureuse, gorgée de confiance, appliquait comme un baume sur cet émoi invisible, contenu et canalisé, qui meurtrissait l’esprit de Yashiro.

L’enfant était loin d’être bête. Son mentor pouvait déjà le sentir, derrière lui, qui étalait les morceaux de faits et les éclats de vérité du kaléidoscope brisé de la réalité. Il en avait déjà vu, entendu suffisamment pour se faire une idée précise de la situation… et son maître savait ne pouvoir longtemps lui en dissimuler la gravité.

- Partez vers le nord-est, indiqua le corsaire de sa voix suave, suivez le cours du fleuve Haiiro jusqu’à l’océan. Nous avons pris des dispositions pour vous y récupérer.

- Et où allons-nous, exactement ? Intervint le garçon de son timbre clair et juvénile, pénétrant le cercle où les adultes tenaient conversation pour les défier de ses iris ambrés.

- Nimong. Annonça Yashiro en baissant sur son fils un regard affligé, lourd de regrets, de ces conséquences qu’il ne pouvait assumer à la place de son disciple, un enfant dont la hardiesse confinait peut-être au crétinisme le plus complet. Terre des parias et des réprouvés… des gens de ta sorte, désormais.

Et par l’acier dans sa voix, le cœur de l’adolescent saigna.
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D'Ombres et de Brumes [Ryuji + Meian] Empty Re: D'Ombres et de Brumes [Ryuji + Meian]

Message par Ryūji 2/6/2011, 02:50



C’était une de ces nuits douces, où l’air se soulage finalement du lourd manteau de frimas qui l’a accompagné tout l’hiver, et porte à ses épaules le châle printanier, encore un peu frais, parfumé de jeunes fleurs à peine écloses. De grands arbres embaumaient la campagne sauvage, cerisiers aux senteurs et pétales duveteux, muriers et érables aux fragrances sucrées, tous arrosés d’une petite mesure de lumière lunaire.

Un tremblement régulier, puissant mais tempéré, agitait le corps frêle de Yukiko. Il semblait à l’enfant qu’il chevauchait la terre elle-même, cette force qui par saccades l’emportait à travers la nuit, il l’aurait aisément comparée à un séisme, en raison de son caractère inexorable, farouche dans son inéluctabilité. Comme on jette ses bras autour du premier bois flotté quand un fleuve en crue nous avale, l’adolescent agrippait fermement le dos de son maître, cavalier incertain qui de piteux rênes de cuir, tâchait ni plus ni moins que de détourner de son cours un formidable torrent.

Le Reptèle -deux passagers jetés en travers de son échine- était l’une de ces forces que la nature déchaîne, qui au même titre que la tornade convulse le ciel, vrillait la nuit dans sa cavalcade exaltée. Le cœur du jeune Yukiko battait follement la mesure des six pattes de la créature, tambourinant sur le sol broussailleux, verdi des premières pluies de la saison. Jamais l’enfant n’avait encore éprouvé une telle émotion. Il se sentait plus grisé encore que lorsqu’il s’élançait sur le chaume des toits, prenait son essor dans le ciel nocturne quand tous se condamnaient à ramper sur la terre damée des ruelles, avait encore plus de feu dans le sang que lorsqu’il passait de lourds gantelets à ses poings et défiait ces adversaires plus grands et plus braves que lui. Ce frisson extatique qui le parcourait en contemplant un ennemi plus fort mordre la poussière, il le ressentait à cet instant qui vibrionnait dans tout son être, conjugué à un soupçon d’angoisse qui ne rendait sa fièvre que plus délicieuse encore.

L’image des iris d’argent de la bête demeurait gravée sur sa cornée, comme la peur et la fascination s’étaient enfoncées dans les méandres de son âme. L’être que l’on nommait Mune, d’un seul regard avait planté ou éveillé quelque chose en lui… Quelque chose d’encore abstrait dans son esprit, qui néanmoins l’emplissait et y vibrait pleinement.

Les yeux clos, le visage contre le dos de Yashiro, l’enfant bascula doucement dans le sommeil, presque bercé du tempo endiablé de la cavalcade nocturne.


Ils avaient chevauché longtemps. L’aube vint peindre le ciel de gris, et de la pointe vagabonde de son pinceau tira de ça et de là quelques rayons blafards sur la lande sauvage. Des montagnes douillettement enveloppées de pénombre ouvrirent un œil paresseux sur le passage des cavaliers, pour resserrer contre leurs flancs les pans d’une couverture qu’effilocherait bientôt le tyran solaire. Comme elles, Yukiko n’aspirait qu’à se rendormir, mais ils filaient, solitaires dans la plaine hirsute. Transi, courbaturé et épuisé, le jeune garçon imaginait que le sol gercé le fuyait ; y jaillissait une végétation fripée et désordonnée, éclaboussant la terre brunâtre de timides flaques de verdure où il rêvait de s’étendre. Le repos, qu’il appelait de ses vœux, lui était refusé. Leur course devait se poursuivre jusqu’à ce que plonge à l’horizon un soleil barbouillé, quand sous les lueurs rouges du crépuscule, Yashiro décida enfin d’une halte.


L’enfant se laissa lourdement tomber sur la terre ferme. Les yeux mi-clos, il savourait son contact, sa stabilité. Le monde lui paraissait encore trembloter doucement : les cyprès aux troncs chétifs, les gerbes ocre de l’herbe rase, l’étoffe empourprée des nuages elle-même ! La chevauchée avait été une expérience exaltante, mais elle lui avait réclamé un généreux tribut d’énergie. La torpeur l’enveloppait délicieusement, soulevait délicatement sa poitrine au rythme paisible de ses respirations.

L’enfant s’assoupit sous le regard grave de son aîné, qui attendit que son souffle se fasse régulier pour décrocher de sa ceinture le sabre gainé d’acier sombre. Lui subtilisant l’arme avec un faible soupir, Yashiro s’adossa à un arbre menu et contempla son fourreau laqué de noir, subtilement irisé par l’éclat d’étoiles naissantes. Au réveil du jeune Yukiko, ils auraient une petite conversation. Ils avaient maintenant mis suffisamment de distance entre eux et d’éventuels poursuivants pour se le permettre.


***

Sous le timide éclairage d’un jour nouveau, se tenaient deux hommes assis en tailleur dans la plaine, l’un face à l’autre. L’un d’eux était un homme fait, au visage halé par le soleil et buriné par la vie. Posés sur son jeune vis-à-vis, ses yeux noirs et profonds brillaient d’une impénétrable lumière.

- As-tu dérobé cet Angetsu ? Dit-il d’une voix neutre, pourvue d’un curieux détachement. Rien dans son ton n’exprimait le mal que représentait le vol d’un objet de valeur. Il ne tendait pas non plus de piège à son jeune élève. Celui que l’on nommait Yashiro cherchait simplement à savoir.

- Oui. Admit l’enfant de son timbre juvénile. La lame du sabre était de la facture de l’artisan de renom, l’acier de son corps gravé de ces doctrines énigmatiques –peut-être pauvrement philosophique- qu’affectionnaient le maître-forgeron de son vivant.

- Te l’es-tu approprié par la force ?

Le jeune garçon acquiesça de nouveau. Sobre dans son attitude et dans son maintien, fixant son aîné d’un regard d’ambre profond. « Mature », aurait pensé à tort quelqu’un qui l’aurait moins bien connu que le vieux Yashiro…

Il y eut un court silence, brièvement troublé d’un bruit spongieux, caoutchouteux même, celui qu’émit la langue extensible du Reptèle en harponnant un petit scarabée gris qu’il écrasa sur une molaire de ses rangées de crocs auxiliaires.

« Qu’est le Samouraï ? » Une question rituelle, que posa le mentor sans prêter attention aux gargouillis hétéroclites de Mune.

- Celui Qui Sert.

- Quel est l’Art que je t’ai enseigné ?

- Le Shōtōkan-ryū. Budo des Neuf Aspects du Dragon. Héritage du premier clan Ijichi. Il est la voie pour arrêter la lance, celle sur laquelle marche le Seigneur pour accomplir sa volonté.

- L’usage que tu as fait des techniques que je t’ai passées ne va-t-il pas à l’encontre de ces enseignements ?

L’enfant ferma les yeux, revisita les évènements qui l’avaient amené, cette nuit fatidique, à prendre sa décision. Elle était litigieuse, et son cœur avait parfois douté… pourtant, jamais il n’avait usé de ses poings dans son intérêt propre. Le jeune garçon avait écouté un récit, entendu un vœu, qu’il s’était senti le devoir d’exaucer.

- Non. Et sa voix était force et clarté.

Alors, Yukiko se leva, et récupérant le sabre des mains du maître, il lui conta son histoire.


***

Laissé en apprentissage chez Tamao Angetsu, petit fils de l’éminent forgeron, l’enfant eut tout le loisir d’entendre parler de l’art d’insuffler une âme au katana. Des récits dont l’abreuvaient son nouveau maître, le soir tombé, mangeant un repas frugal devant un âtre réconfortant. Une petite coupe de saké tiède à la main, le jeune garçon écoutait patiemment la voix tranquille de l’artisan, dont la parole s’écoulait telle une rivière, fluide et ininterrompue. D’autres se seraient peut-être ennuyés de cet amoncèlement de sagas guerrières, de contes traditionnels où naissaient les légendes de sabres fabuleux, bénis des esprits ou souillés du sang de mille démons… mais pas Yukiko, que ces histoires passionnaient.

Durant ces brèves semaines où on lui enseigna à battre le fer et à entretenir un katana, l’enfant sentit son cœur s’ouvrir, se rapprocher du forgeron bourru, dont la langue ne se déliait que sous l’effet de l’alcool. L’adolescent n’avait jamais été à l’aise avec les jeunes de son âge, souvent de frustes paysans sans éducation, et ce fut là sa première occasion de se découvrir de l’affection pour une autre personne que son père adoptif. Il prêta une oreille d’autant plus attentive à Tamao, et d’une empathie qu’il ne se connaissait guère, fit sienne sa douleur.

L’homme, laconique de jour, bavard quand planait la brume de l’ivresse dans son esprit, se lança bientôt dans un récit minutieux sur son lignage, maître-forgeron de génération en génération, reconnu illustre du temps de son grand-père. Avec une fièvre qui le tint éveillé jusqu’au point du jour, il déclama avec fierté comment le Maître Angetsu concevait un dessein pour chacune de ses lames. Y voyait une extension de lui-même qui devait s’ouvrir au monde, s’épanouir au service du guerrier adéquat. Pour ces raisons, jamais le vieil artisan ne consentit à vendre ses œuvres à une personne qu’il n’eut d’abord rencontrée, et ayant ouïe dire son talent et sa renommée, les hommes se pressaient nombreux à sa porte.

Le maître mourut à un âge avancé, auprès des flammes de sa forge, le marteau au poing. Puisqu’il lui était inconcevable de vivre ses derniers instants alité, il s’était relevé malgré la faiblesse et la maladie, avait consumé ses dernières forces au service de sa passion. Son énergie, son savoir-faire, sa hargne, il les avait fervemment infusées dans une dernière lame, et était tombé sans seulement pouvoir la nommer. Il était toutefois demeuré fidèle à ses habitudes ; des paroles énigmatiques creusaient le corps de l’acier. Lorsque le découvrit son fils au petit matin, il s’attela à rallumer les flammes de la forge et à parachever la dernière œuvre de son père, qu’il refusa de vendre toute sa vie, quand bien même les temps devenaient durs et qu’on lui en promit grand prix, persuadé qu’elle contenait l’esprit du défunt. Le sabre passa à Tamao Angetsu, qui bien que décidé à respecter la volonté des siens, fut contraint par la misère et l’insistance du bureau de magistrats de vendre la lame.

Il serait fait présent de l’épée au vénérable Mamoru Takizawa, en commémoration de sa retraite après de longues années d’un estimé service. Le vieil homme était un connaisseur et un fervent admirateur des œuvres d’Angetsu. Pourtant… devoir se séparer de l’arme, même en faveur d’une telle personne, saigna le cœur de Tamao.

Le jeune forgeron croyait dur comme fer que son grand-père, à l’approche du dernier voyage, aurait voulu léguer d’avantage qu’un instrument zen, qu’une aide à la méditation pour un vieil homme contemplatif. Angetsu s’était consumé pour cette lame, avait usé de toute la vigueur qu’il restât à son vieux corps ; il devait exister propriétaire plus adéquat, digne d’être dépositaire de l’esprit ardent du vieux forgeron. Sa voix s’éteignit sur ces regrets, cet aveu de faiblesse ou d’impuissance. Les flammes de l’âtre elles-aussi déclinèrent… mais le regard du jeune auditeur, lui, brûlait avec plus de passion que jamais.

Son cœur était celui d’un Samouraï, et celui-ci avait trouvé une Cause à servir.

Menant le Reptèle vers le lit du fleuve Haiiro, Yashiro méditait le récit de son disciple. La créature écailleuse fendit avec enthousiasme le miroir d’eau claire qui renvoyait au ciel son image. S’immergeant juste au-dessous de la fine pellicule d’eau qui tenait lieu de lisière entre l’air et l’onde, sa queue dont les pointes d’obsidienne crevaient la surface commença une série de douces et profondes ondulations. Mune ondoyait, comme nageaient les serpents, et juché sur sa vaste échine, mouillé jusqu’aux genoux, le maître réfléchissait alors que son élève se perdait dans une contemplation silencieuse du paysage.

Le récit que lui avait conté Yukiko troublait son esprit. L’enfant avait agi pour sauvegarder l’honneur du défunt maître Angetsu, pour que le sabre qu’il façonnât l’aube de son dernier voyage -à qui il sacrifiât ses dernières forces- ait un autre dessein que de moisir sur l’étagère d’un vieil homme. Un katana révéré pour son seul esthétisme, qui jamais plus ne battrait contre la cuisse d’un vrai Samouraï, ne méritait plus d’en porter le nom. En cela, pour ce seul idéal, son élève n’avait pas mal agi. Recherché pour ses actes, il s’était d’ailleurs contraint à rester au village, quand bien même la raison lui dictait-elle de fuir. Par un malheureux hasard, Tamao s’absenta pour s’approvisionner le matin même du vol, et ne revint que trois nuits plus tard. Yukiko l’attendit, déjouant les gardes qui organisaient sa capture, pour prier le forgeron de lui confier le sabre, lui jurer qu’il se montrerait digne des dernières volontés du maître Angetsu.

La Cause était digne de ses services. Toutefois, les moyens employés par l’enfant demeuraient… discutables. Dérober le sabre passait encore, mais terrasser un vieillard pour se faire ? Yukiko l’ignorait peut-être, mais Mamoru Takizawa, le guerrier chargé par les ans qu’il avait affronté, ne s’était jamais réveillé de leur duel. Il vivait, faiblement, plongé dans un profond sommeil.
Ses blessures étaient sérieuses, et en raison de son âge avancé, il risquait d’en mourir. De ce fait, c’était tout le Clan qui réclamait vengeance, et les Takizawa n’étaient pas de ceux que l’ont prend à la légère. En trois jours, on avait plaqué sur le papier le visage du voleur qu’une servante discerna lors de sa fuite, et les avis de recherche circulaient dans tout le pays.

Ayant achevé son récit, les yeux clairs –semblables à de fragiles cristaux d’ambre, damasquinés à ses iris-, Yukiko avait attendu le verdict de son maître. Son menton s’était levé avec fierté, il avait mordu la chair de ses lèvres pâles, une mimique que son mentor lui connaissait bien. L’inquiétude lui nouait les entrailles et il tâchait fervemment de la réprimer. Yashiro avait toujours été le pilier de son existence, son unique support. Un seul mot de sa part aurait suffi à détruire l’édifice entier, à le briser… et douloureusement conscient de cet état de fait, le rônin n’eut pas le cœur de le réprimander.

Le Haiiro s’ouvrait sous les yeux pensifs du samouraï. Dans ces dialectes archaïques que l’on utilisait jadis, son nom signifiait « Le Gris », en raison des nuages de cendres volcaniques qui ternissaient sa surface lors d’éruptions. Il y avait cependant bien longtemps qu’il n’avait plus mérité ce titre. Son cours miroitant serpentait entre les cimes, entrelaçant le roc sombre des montagnes à la manière d’un doux ruban d’argent. D’ici quelques jours, le Haiiro leur montrerait l’océan.
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D'Ombres et de Brumes [Ryuji + Meian] Empty Re: D'Ombres et de Brumes [Ryuji + Meian]

Message par Ryūji 2/6/2011, 03:50

Aplati dans un buisson touffu bordant la rive du Haiiro, le Reptèle reposait sur le ventre. Assoupi, le corps de la bête vibrait au rythme de son souffle intense, jaillissant de sa gueule massive dans un grondement qui emplissait le défilé, éclipsant par intermittences le murmure soyeux du fleuve. La nuit et ses lumières éclaboussaient l’armure d’écailles noire de la créature, hérissaient ses flancs et son dos de reflets d’argent en formes de lames. Après une journée de voyage passée à voguer sous la surface de l’onde, son derme obscur se piquetait encore d’un amas de fines gouttelettes scintillantes, étoiles indécises qui ruisselaient sur sa chair nocturne.

Aucun bruit n’était susceptible de troubler son sommeil, écoutant leur instinct, les animaux avaient déserté le passage sinueux qui se faufilait entre deux hautes montagnes. Une réaction bien naturelle. Quelle créature aurait été assez sotte pour le défier ?

Ses yeux opalescents s’ouvrirent d’un seul coup, réflexe du prédateur dont les sens sont en perpétuel éveil. Une ombre venait caresser ses écailles, s’intercalant entre la bête et la lueur diaphane de la lune. Restreint de solides liens de cuir, Mune poussa un grondement sauvage.

Décidemment, l’Homme n’aurait jamais de cesse de le provoquer…


Le petit humain aux yeux de loup s’empara de sa bride et s’élança à califourchon sur son dos. Guère plus lourd qu’une plume contre son échine, il le dirigea pourtant de mouvements fermes, le menant loin vers l’aval, et donc loin de son chef de meute.

Encouragé à caracoler sur les talus rocailleux semés le long de la rive, l’esprit sommaire du Reptèle -masse inextricable d’instincts- s’agitait. Son cavalier n’était pas le Maître, celui qui avait pénétré les ténèbres de sa retraite pour dompter sa volonté. Il n’était pas non plus son protégé à la fourrure et au regard obscurs, qui bien que changé par le passage des saisons, conservait cette même fragrance, paisible et pleine de minéralité. Les humains étaient bien d’étranges créatures pour laisser ainsi galoper leurs petits, loin de toute surveillance… celui-ci, le Maître ne lui avait pas ordonné de goûter son odeur.

Celui-ci… nul ne pourrait se plaindre de ce qui lui arriverait.




Le vent l’embrassait. Ses vêtements claquaient comme des oriflammes sous son étreinte, sa tignasse emmêlée libérait son front, où l’air glacé déposa un baiser. Les muscles des bras tendus à tout rompre, Yukiko tira sur la bride pour que fonde sa monture vers l’océan ébène de l’horizon. Quittant un tertre jonché de rocaille, le Reptèle prit appui sur ses six pattes râblées et bondit. Conjuguée à la sensation de chute, la nuit -monde aux ombres mouvantes, abstraites- se précipita à une vitesse telle que l’air vint à manquer à l’enfant. Le choc de l’atterrissage ébranla son corps frêle, qui se souleva sur l’échine de la créature, retenu de la seule force dont il agrippait le cuir des rênes. Grisé, offert en pâture au monde nocturne, déployé comme une chiche bannière à la suite du Rampant, Yukiko éclata d’un rire argentin.

Le jeune samouraï se hissa à la force du poignet vers l’animal et reposa les pieds sur le harnais. Aussitôt, la bête vira avec violence sur la gauche ; déséquilibré et surpris, l’enfant bascula de nouveau mais eut le réflexe de caler une de ses sandales dans un nœud de l’enchevêtrement complexe qui entravait la créature. Se contorsionnant pour s’accrocher à la muselière, l’adolescent croisa la froide lumière du regard de Mune, et se laissa gagner par un sourire féroce.

Ainsi c’était à cela que jouait le Reptèle ! Son hilarité, fruit d’une malicieuse candeur, carillonna de notes plus éthérées et pétillantes encore.


Le rire humain n’était qu’une succession de syllabes, s’égrenant avec beaucoup d’étrangeté à ses oreilles. Souvent, il l’avait trouvé irritant, dissonant, et pourtant… il y avait une musique qu’il comprenait dans celui-ci. Une mélodie exaltée, indomptée, dont les accords qui fluaient allegretto réveillaient quelque chose en lui. Que sa proie tienne bon n’agaçait plus Mune. Maintenant, il voulait jouer. Sa queue, hérissée de sinistres aguillons noirs, fendit facétieusement l’air.


Un mouvement dans son dos. Le vent parut crier pour l’en prévenir. Les instincts aiguisés par le duel effréné qu’il livrait à la créature, Yukiko, les talons solidement plantés dans ses flancs, se jeta brutalement vers l’arrière. Son crâne heurta douloureusement une excroissance osseuse du dos de l’animal et le membre écailleux, bardé d’épines dentelées, cingla tout près de son visage. Les traits marqués par une intense concentration, le souffle rare, il vit le fouet d’écailles revenir le faucher sous un nouvel angle. En catastrophe et mu par le réflexe de qui se destine à marcher sur la Voie du Sabre, l’enfant – mi-allongé dans sa position incongrue- dégaina son arme pour parer l’assaut du plat de la lame. Le choc décrocha ses jambes, se répercuta dans les muscles de ses bras, dans ses os. Faible et léger comme une poupée de chiffon, le jeune samouraï se senti balayé… un instant fugace où son corps flotta dans le vide, jeté à bas de sa monture qui cavalcadait hardiment dans les plaines enténébrées.

Une brève seconde après la collision, une pointe noire ripait toujours sur le corps de son sabre. A deux doigts de mordre la poussière, il ne se sentait pourtant pas encore vaincu. Dans un sursaut d’opiniâtreté, Yukiko abandonna son arme et captura le dard à la volée. La main refermée sur l’aiguillon, l’enfant fut tout entier emporté et balloté par le mouvement de l’animal, qui le secoua frénétiquement, d’un côté puis de l’autre, pour que finalement cèdent ses doigts gourds. L’élan et la force du coup auquel il s’était arrimé firent voltiger le jeune garçon, expédié par-dessus le crâne du Reptèle à une vitesse qu’il perçut comme singulièrement ralentie. Profitant d’une vision curieusement claire de la situation –projeté par une si violente impulsion, la chute allait être aussi brusque que douloureuse… et il n’était pas juste qu’il soit le seul à en souffrir- il tourbillonna sur lui-même et profita de sa vélocité pour frapper la nuque de la bête d’un redoutable fouetté du pied. Si la tête du saurien fut agitée d’une rude saccade, rien ne montra que le monstre ressentit la moindre souffrance… Yukiko fila dans l’air nocturne et s’écrasa brutalement sur le sol herbeux de la prairie, écrabouillant au passage plusieurs gerbes éparses de belle-de-nuit dont les pétales blancs s’offraient à la lumière de la lune.

Dans un état de douloureuse confusion, l’adolescent roula follement sur la terre meuble, fusa interminablement pour s’immobiliser –sonné et meurtri- au terme d’une culbute hasardeuse.




Maculé de terre et contusionné, Yukiko tâcha de se redresser sur son séant, ce qu’il fit juste à temps pour distinguer la masse noire rainurée d’argent qui avançait vers lui sa large gueule muselée. Sa mâchoire entravée découvrait l’esquisse fugace de tout un râtelier de crocs dentelés, d’une pâleur sélénite. Une haleine forte, tiède, musquée empoissa le visage du jeune garçon, un effluve pestilentiel qu’il ne remarqua guère, tant son regard s’était plongé dans la lumière nacrée dont semblaient luire les iris de Mune. Faible et captivé, l’enfant sentit renaître les émotions dont le feu avait gagné son estomac à leur première rencontre. Et le temps lui parut se figer. Dans une stase étrange où ses pensées fluaient à la manière d’un fougueux torrent, il vit l’extrême lenteur à laquelle la bête baissait vers lui le museau, constata ses efforts pour se délier de ses solides entraves, la mâchoire vibrant comme si elle cherchait à rompre le cuir… à déployer ses crocs et à les planter dans sa chair.

Tétanisé, agité du frêle tremblement de la peur, Yukiko leva pourtant la main. Ses doigts se saisirent de la muselière, et en dénouèrent laborieusement les nœuds, en desserrèrent les sangles. Au murmure froissé de l’herbe tendre, les larges liens de cuir tombèrent lourdement.

Le cœur battant à tout rompre, la respiration hachée, l’enfant sentit un sourire fleurir sur sa figure exsangue. Son esprit était un lac à l’eau bouillonnante, dont la raison, les pensées, s’élevaient vers le ciel en de lourdes chapes de vapeur, brûlantes. La passion, et un sentiment étrange, lui contractant douloureusement l’estomac, se fondaient en un soleil sous les rayons duquel son esprit devenait aride, se craquelait. Yukiko était terrifié, toutefois, l’œil scintillant de la bête éveillait en lui une sensation impérieuse, une souffrance acide qui lui fouaillait les entrailles, où se mêlait une exaltation singulière. Les vagues d’un plaisir amer refluaient dans tout son être.


Une odeur familière se dégage d’Œil-de-Loup, une fragrance puissante qui réfrène Mune, qui lui parle. Cet effluve qui se mêle à son parfum corporel, altéré de l’arôme aigre de la peur, le tente, le fascine. La bête cherche dans ses souvenirs ensablés, incapable d’y déterrer la fragile remembrance qui se forme dans son esprit. Alors, parce que sa mémoire l’obsède, que le parfum anime des souvenirs, comme des spectres dont la substance s’étiole et s’effiloche, dont il cherche à se saisir sans pouvoir attraper autre chose qu’un reliquat de brume amère… Mune goûte.

Quand bien même le Maître ne l’a pas ordonné, sa langue épaisse se faufile entre ses crocs.

Le Maître avait un goût diffus, éthéré… vaporeux comme un nuage, et sentait fort l’abnégation. Son protégé dont la chevelure rappelle les ailes d’un corbeau, était empreint de minéralité, avait l’odeur sereine.

Et celui-ci… Un projectile, visqueux et écarlate, gifle le visage du Petit. La langue râpeuse égratigne lourdement sa peau claire et manque de le jeter au sol, s’y accroche de délicieuses perles de sang, dont la sapidité ferreuse est savourée.

Œil-de-loup a le goût délicat de la neige, pas plus prononcé qu’un flocon, qui fond aussitôt goûté. Une saveur subtile à laquelle se mêle le parfum familier. L’odeur enivrante qui règne dans les abysses, qui grise et qui abuse l’esprit, à laquelle on s’abandonne avec une complaisance sauvage… celle dont chez le Petit on goûte aux prémices : de cette saveur douce-amère que l’Humain appelle la folie.
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